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Jeux sérieux : exploration d'un oxymore Patrick Schmoll - 2011

Informations

Support : Références scientifiques
Auteur(s) : Patrick Schmoll
Editeur : Revue des Sciences sociales, Presses Universitaires de Strasbourg, 2011, Jeux et enjeux pp.158-167
Date : 2011
Langue : Langue


Description

Résumé :

 

La première décennie des années 2000 a vu le succès d'une dénomination, celle de jeu sérieux (serious game en anglais) pour désigner des applications informatiques à finalité utile utilisant les ressorts du jeu vidéo. Le terme recouvre des cas de figure très divers, comme les logiciels ludo-éducatifs, les exercices de simulation d'une activité (conduite d'un véhicule, opération chirurgicale, gestion d'une entreprise), l'utilisation du jeu vidéo à des fins publicitaires, militantes, informatives, l'entraînement cérébral. Toutes ces applications ont en commun de véhiculer un contenu utile en sollicitant les motivations à jouer et un mécanisme ludique. Selon une étude de l'Idate (Michaud & Alvarez 2008), le marché mondial du jeu vidéo représentait, fin 2007, 30 milliards de dollars US. À cette date, le marché du serious gaming était estimé entre 1,5 et plus de 10 milliards de dollars. D'après la société d'études de marché IDC, citée par cette étude, 40 % du marché du e-learning aux États-Unis utiliserait le serious gaming en 2008. Sur le seul territoire des États-Unis, l'advergaming (l'utilisation du jeu à des fins de communication publicitaire) pesait, en 2008, 262 millions de dollars. D'après une étude de SharpBrains, également citée par le rapport de l'Idate, le marché du logiciel d'entraînement cérébral (Brain Fitness) serait passé de 100 millions de dollars US en 2005 à 225 millions en 2007 sur le seul marché des États-Unis. En Europe, l'industrie du jeu vidéo est moins bien soutenue qu'en Amérique du nord et au Japon, et les pouvoirs publics n'ont identifié qu'assez récemment les enjeux économiques du jeu en général et du jeu sérieux en particulier. En France, les premières mesures d'aide à ce secteur datent de 2007 avec l'instauration d'un Crédit d'impôt jeu vidéo. À la demande du Secrétariat d'État à la prospective et au développement de l'économie numérique (SEDEN), la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) a lancé en 2009 un appel à projets Serious Gaming de R&D doté de 20 millions d'euros destiné aux PME du secteur du jeu vidéo. À bien des égards, le terme de jeu sérieux semble se présenter comme un emballage nouveau pour des réalisations qui existaient déjà, notamment les logiciels de simulation et les applications ludo-éducatives. On peut donc se demander quels sont les enjeux d'une nouvelle terminologie. Celle-ci est certes plus englobante : elle recouvre également des applications plus récentes, notamment l'utilisation des mécanismes du jeu vidéo à des fins de communication, que celle-ci soit informative, militante ou publicitaire. L'objet des lignes qui suivent est d'étudier la pertinence de cette dénomination. Répond-elle simplement à une stratégie de marketing qui utiliserait la légitimité des applications existantes (liées à l'enseignement et à la formation) en les incluant dans un même concept au côté d'applications aux destinations plus douteuses (commerciales ou idéologiques) ? Ou la dénomination présente-t-elle une réelle pertinence conceptuelle ? À tout le moins, si les formes des jeux disent quelque chose des sociétés qui les produisent, peut-on explorer les effets d'analyseur de ce redécoupage du champ des jeux vidéo ?

 

References (2):

 

Alvarez J. (2007), Du Jeu vidéo au Serious Game: approches culturelle, pragmatique et formelle, Thèse en sciences de la communication et de l’information, Toulouse, Universités de Toulouse II (Le Mirail) et Toulouse III (Paul Sabatier).

 

Michaud L., Alvarez J. (2008), Serious games: advergaming, edugaming, training…, Montpellier, Idate.