LudoScience

Test du Playstation VR : le corps revient en force !Julian Alvarez | 02-01-2017 | 12:40

Ce premier janvier 2017 a été l'occasion de tester au sein de Ludoscience le Playstation VR.

 

 

Voici un retour des observations et des expériences vécues avec différents titres associés à cette technologie.

 

Tout d'abord nous avons commencé par tester la compilation "Playstation VR Worlds" et notamment le titre : "Ocean Descent" qui nous invite à visiter les profondeurs océaniques. Protégé par une cage, vous descendez peu à peu dans les profondeurs en contemplant les paysages aquatiques. Dès le départ, l'immersion est au rendez-vous dans ce ce voyage sous marin avec ses bancs de poissons multicolores, ses crustacés et ses raies majestueuses. Véronique, la quarantaine, qui a accepté de vivre ce voyage pendant que nous la filmions tourne sa tête dans tous les sens pour contempler le paysage. Elle explique qu'elle trouve la technologie incroyable et que visiter les fonds marins ainsi lui convient très bien.

 

 

 

En revanche, elle sait qu'un requin va faire son apparition. Elle appréhende ce moment et demande à être rassurée. En eaux profondes, le paysage s'obscurcie. Véronique regarde autour d'elle cherchant le requin. En attendant ce moment, elle commente : "Certains utilisateurs pourraient avoir des crises cardiaques avec un tel casque !".  Un petit débat s'instaure sur le potentiel de la RV pour aider les personnes à surmonter des phobies. Mais l'échange est de courte durée car l'expérience immersive reprend le dessus. Les profondeurs deviennent telles que l'obscurité règnent en maître. Des méduses lumineuses surgissent des profondeurs.

 

 

 

Véronique contemple la beauté de ces créatures virtuelles. Elle repense au requin. Elle appréhende et scrute les alentours en se retournant sur son canapé.

 

 

Tout le long de la descente, des coéquipiers exposent la situation par liaison radio. Si au départ, l'ambiance est détendue, les propos deviennent plus anxiogènes au fur et à mesure de la descente. Cela rajoute de la tension dramatique et contribue à appréhender l'arrivée du grand requin blanc. Celui-ci fini par surgir des profondeurs. L'animal marin aux yeux sans âme se jette sur la cage pour lui arracher différents éléments. Véronique alterne les rires nerveux et les demandes d'aide : "Comment je peux agir ? Je n'ai pas de manette ? Je dois faire quoi ?...". Véronique ne perd pas l'animal des yeux et continue à se retourner sur son canapé. Le prédateur arrache tout un pan de la cage. Cela expose le joueur a être dévoré. Le requin revient à la charge pour s'engouffrer dans la cage.

 

 

Véronique par instinct de survie replie ses jambes sur le canapé.

 

 

 

Elle gardera cette position jusqu'à la fin du jeu qui sans dévoiler la chute se termine bien.  

Cette expérience met ainsi en lumière l'importance du corps et son implication durant le jeu. Cette position où les jambes on été repliées pour se "protéger" du requin démontre à quel point le corps est convoqué durant l'expérience de réalité virtuelle. Ainsi, loin de nous couper du monde réel, l'expérience de réalité virtuelle semble donner au corps encore plus d'importance qu'avec une expérience de jeu vidéo classique mobilisant l'écran avec une manette de jeu ou le clavier souris.

 

Alors, justement, que donne à présent l'utilisation d'une manette de jeu avec de la Réalité Virtuelle ?

 

Pour tester cette expérience interactive, nous partons pour Londres avec le jeu "The London Heist". Nous y incarnons un gangster qui doit dérober un diamant pour le compte d'un mafieux. L'avatar se résume ici à une main gantée. Le corps n'est pas représenté. Mais, ce n'est pas gênant. Très vite, on s'y fait. Le gant devient le pointeur d'une souris qui peut interagir avec l'environnement qui s'offre à nous. La première interaction marquante se déroule durant le second chapitre du jeu. Nous sommes invité dans une brasserie où il est possible de "fumer" virtuellement un cigare. Allumer le cigare à l'aide d'un briquet s'est avéré compliqué : tenir le cigare et le briquet avec une seule manette, soit une seule main, n'est pas aisé. Il faut disposer de deux Playstations Moves pour disposer de deux mains. Il faut donc trouver une astuce de contournement en bloquant dans un premier temps le cigare au niveau de sa bouche pour ensuite l'allumer. A plusieurs reprises, nous faisons tomber le cigare ou le briquet. Quand l'objet glisse sur le sol, il finit par se matérialiser à nouveau sur la table face à nous. Cela permet ainsi de recommencer notre opération. Durant cette expérience interactive, le mafieux explique la situation en s'appropriant l'espace scénique. Mais concentré sur l'idée d'allumer notre cigare, nous ne prêtons pas trop attention à ses propos.

 

 

Cependant l'ambiance suffit à nous plonger dans l'univers de ce polar. Et c'est finalement le plus important. On est dans le second degré. On joue à faire le gangster. Le jeu offrant une prothèse à notre imaginaire. Nous nous évadons à étudier les moindres recoins du décor comme les vitraux par exemple. Puis, une fois le cigare maîtrisé, nous partons en quête de nouvelles expériences haptiques. Ainsi, en étant tout comme notre avatar assis sur une banquette, nous avons l'idée d'en toucher la texture. Quelle n'est pas notre surprise quand nos mains réelles caresse le revêtement de notre propre canapé. S'installe alors un lien curieux entre la diégèse de ce monde virtuel en 3D et le monde réel. Encore une fois, c'est via le corps que se produit cette étrange alchimie.

 

Le mafieux finit par nous distribuer de l'argent, un téléphone portable et une oreillette. Ces objets nous invitent à jouer. Nous tentons de les jeter au loin. Ils reviennent sur la table. Nous tentons de mettre l'oreillette au niveau de l'oreille. Cela échoue la plupart du temps. Elle revient sur la table. Le téléphone sonne. Un texto nous parvient. Nous le lisons avec le sentiment étrange de faire un geste du quotidien. La séquence terminée, nous en avons apprécié l'expérience, mais pas vraiment retenu le moindre propos du mafieux. Ce n'est pas grave. Nous supposons que le jeu se chargera de nous donner les éléments nécessaires pour retrouver le fil. Et c'est précisément ce qui se produit.

Durant les chapitres 4 et 6, nous nous retrouvons à devoir faire preuve de dextérité en tirant sur des ennemis. D'abord de manière statique en se mettant à l'abri derrière un comptoir, puis de manière dynamique à bord d'un véhicule.

 

 

 

Dans la phase statique, le jeu nous invite à utiliser notre corps pour esquiver les tirs ennemis. Nous nous accroupissons, nous baissons la tête, pour nous abriter derrière un comptoir. Des interstices permettent de tirer sur nos adversaires. L'expérience devient jouissive. Nous franchissons clairement une nouvelle étape dans l'expérience vidéoludique en nous affranchissant désormais des modes de commandes spécifiques qui permettent dans la plupart des FPS de mettre ainsi un avatar à l'abri des balles. Ici, l'expérience du corps permet de retrouver des sensations plus naturelles et plus intuitives. De même pour cibler les adversaires, il convient de pointer la manette sur nos cibles. L'immersion est totale durant cette phase du jeu.  

 

 

 

Pour la phase dynamique, nous roulons sur une autoroute déserte. A bord d'une camionnette, nous sommes pris en chasse par des motos et des véhicules 4x4 qui nous tirent dessus. Armé d'un pistolet mitrailleur, nous tentons de stopper nos ennemis. Nous pouvons pour cela tirer sur tous les côtés, y compris nous pencher par la fenêtre pour neutraliser les véhicules situés derrière nous. Si l'expérience est globalement jouissive, nous ressentons pour la première fois des vertiges. Cela se produit notamment lorsque nous tournons rapidement notre tête d'un côté à un autre. Après quelques secondes, en nous recentrant sur le milieu de la scène, les effets indésirables s'estompent. Lorsque ces vertiges surviennent, Clément 15 ans, note que nous sommes partagés entre deux sentiments : celui de vouloir poursuivre le jeu et celui de stopper les vertiges. Ainsi durant quelques instants, nous sommes dans un entre deux, où nous repensons à nous, à notre état du moment, donc au réel, tout en étant encore dans le jeu, le second degré et dans le challenge à relever. Ce vertige peut donc être perçu comme une épreuve supplémentaire qu'il convient de dépasser pour gagner. Une sorte de mise à l'épreuve que nous impose notre corps et qui s'invite au jeu. 

 

Dans d'autres titres, le vertige devient trop nauséeux et la seule issu est de retirer le casque. C'est le cas pour "Scavengers Odyssey" notamment. Dans ce jeu, nous incarnons un alien au commande d'un exo-tank dont l'objectif est de détruire les nids d'une autre race d'alien envahissant les lieux.

 

 

 

Si au départ, le jeu propose de sauter d'astéroïde en astéroïde à l'horizontale, l'affaire se corse lorsqu'il s'agit de basculer de l'horizontale à la verticale pour marcher sur des murs ou pénétrer dans les différentes sous parties d'une épave de vaisseau spatial. Ces bascules, sans que le corps ne ressente le moindre changement au niveau de l'oreille interne entraînent la nausée et nous oblige à stopper la partie. Cette nausée dure plusieurs minutes après la fin de partie. Très désagréable, cette expérience est rédhibitoire : plus personne ne souhaite s'engager de nouveau dans ce jeu. Dommage, car le scénario était plus développé que les jeux précédents et plusieurs niveaux étaient proposés. 

 

 

 

Un peu échaudés par ce 3e titre, nous décidons de changer d'univers et de DVD-Rom en partant pour le train fantôme proposé par "Until Dawn Rush of Blood". Ici, il est proposé au joueur un jeu de tir (FPS) de type rail shooter : le joueur se déplace automatiquement sur un trajet prédéfini et doit tirer sur différents éléments qui surgissent dans le décor : monstres, cibles, cochons... 

La réalisation est soignée et l'ambiance horrifique bien travaillée. 

 

 

 

Mais ce qui frappe dans ce titre c'est la prise en compte du corps : ainsi, dès les premiers instants du jeu, il est demandé au joueur d'éviter des obstacles en bois en se baissant au bon moment ou bien en se penchant sur la gauche ou la droite pour passer au travers de découpes adaptées. Quentin, 17 ans qui teste le jeu, constate suite à ces premières épreuves qu'en synchronisant le mouvement du corps avec le déplacement du chariot sur les rails, il ne ressent pas de vertiges. A cela se rajoute une vitesse de déplacement raisonnable qui évite de se sentir nauséeux. Enfin, les vagues ennemis se manifestent souvent quand le chariot est presque à l'arrêt. Ainsi, les mouvements rapides de gauche à droite qui généraient des sensations de vertiges dans le chapitre de la course poursuite en camionnette de "The London Heist" sont également évités.

Les game designers de ce jeu semblent avoir bien géré tout ce qui pouvait susciter le phénomène de "motion sickness" chez le joueur et laisser la place au malaise lié... à l'épouvante.

 

Pour conclure cette série de tests, nous partons pour une mission spatiale dans l'univers de Star Wars avec le titre "Star Wars Rogue One : X-Wing VR Mission". Il s'agit d'un DLC gratuit du jeu "Star Wars Battlefront". Dans cette mission, le joueur incarne un pilote qui doit tour à tour détruire des astéroïdes, escorter un vaisseau allié, attaquer des chasseurs TIE et neutraliser un croiseur interstellaire de l'Empire Galactique. 

 

 

 

Ce qui frappe dans les premiers instants de la mission, c'est la présence du corps du pilote dans le cockpit du X-Wing. Ainsi, le joueur a l'impression d'incarner véritablement son avatar. En baissant la tête, il est possible de voir les jambes, les bras, mais aussi le poitrail avec le sentiment qu'il respire. En orientant le vaisseau, le corps de l'avatar incline le manche de l'appareil. L'incarnation de cet avatar au milieu d'un cockpit réaliste est saisissant. Il est possible d'appuyer ça et là sur différents boutons, ce qui nous plonge davantage dans l'univers du jeu et le faire semblant que nous avons ressenti dans la brasserie du jeu "The London Heist". L'exploration des lieux sur 360°, les paysages de l'espace, de la galaxie, de la flotte de vaisseaux des rebelles et les détails du X-Wing contribuent fortement à l'effet d'immersion et donne parfois l'impression d'être tout petit dans l'immensité de l'univers proposé. Cet effet est accentué par la possibilité de se déplacer librement autour des différents appareils de la flotte. La taille des plus gros vaisseaux ou la taille de certaines planètes accentuent l'impression de petitesse et de piloter un engin bien frêle face à l'hostilité des lieux.

Il faut jouer avec la caméra, la décentrer pour la placer derrière notre avatar afin de se rendre compte qu'il n'a pas de tête. On prend alors conscience que cet avatar a été conçu pour accueillir à la perfection notre champ visuel. Cela nous renvoie de ce fait au monde réel et à notre propre corps. Mais ce subterfuge est rapidement oublié car le scénario du jeu nous replonge rapidement dans la diégèse. 

 

 

 

Et le phénomène de motion sickness dans ce jeu, qu'en est-il ? Il est ressenti par moment dans les phases où l'on navigue au travers des astéroïdes ou durant la phase de combat avec les chasseurs TIE. Plus exactement lorsque l'on enchaîne looping et virages serrés. Si lors de la première partie, cela nous renvoie au mauvais souvenir du titre "Scavengers Odyssey", nous tâchons de surmonter la chose en nous raccrochant à l'univers de la franchise et au fait de vivre un rêve d'enfant : nous retrouver enfin aux commandes d'un X-Wing dans le cadre d'une guerre des étoiles. Et nous constatons que de parties en parties nous commençons à apprivoiser les vertiges : d'abord en adoptant des stratégies qui consistent à recentrer notre point de vue au milieu de l'image lorsqu'une sensation de vertige se fait ressentir. Ensuite, en évitant certains mouvements trop rapides de la tête de gauche à droite ou de haut en bas. Enfin, nous intégrons l'idée que basculer de l'horizontale à la verticale n'est liée qu'à l'environnement virtuel et non à l'environnement réel. C'est comme si le cerveau commençait à intégrer le fait que dans ce cas précis, il était normal que l'oreille interne ne fasse pas passer d'informations relatives à un changement de position du corps... Ainsi, il semblerait qu'au même titre qu'il est possible de s'habituer au mal de mer ou au mal de l'air, nous pouvons nous adapter au mal de la réalité virtuelle. Mais cela nécessite du temps et d'adopter des stratégies adaptées. Il est également possible d'imaginer des dispositifs qui soumettent le corps à des mises en mouvements pour lui faire ressentir les effets attendus. Cependant, cette quête est peut-être veine dans le cadre d'utilisations domestiques car cela va nécessiter des dispositifs volumineux et coûteux. En parallèle, l'industrie du jeu vidéo et par extension celui du Serious Game va donc devoir expérimenter d'autres pistes, liées notamment au level design, pour acquérir des recettes adaptées. Mais ne perdons pas de vue que les premières expériences de réalité virtuelle datent des années 60. Beaucoup d'écrits scientifiques ont été produits sur la question du motion sickness. Il convient donc de les redécouvrir et de poursuivre les voies ouvertes par nos ainés.

 

En attendant, nous pouvons à notre niveau nous rendre compte d'une série d'évolutions que nous vivons depuis 2006 : la Wii nous a fait prendre conscience de l'intérêt de mobiliser le corps pour jouer, la Kinect a enrichi l'expérience en nous affranchissant de manette pour jouer avec notre corps, et maintenant les casques de réalité virtuelle nous font prendre conscience de l'importance du corps pour assurer la passerelle entre environnement virtuel et monde réel. Ces étapes ne sont sans doute qu'un début et d'autres nous attendent sans doute encore pour améliorer l'expérience. Mais il semble désormais certain que la prise en compte du corps est devenu un enjeu central pour nos prochaines expériences vidéoludiques.

 


Catégorie : Réflexions, | Mots-clés : Jeu vidéo, Réalité Virtuelle, Playstation VR, Casque, Visiocasque, Vertige, Nausées, Motion Sickness,
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